14 nov. 2005

Impact sur le langage - le langage évolue-t-il positivement, négativement, d'une autre manière ?


La question de l'évolution du langage me semble beaucoup plus difficile à résoudre. En effet, le langage est en constante évolution, du moins c'est ce qu'on nous répète depuis le début de nos études. Les SMS et blogs ne donneraient alors qu'une orientation particulière à cette évolution... De là à la juger positive ou négative... Positive, oui, en ce qui concerne l'orthographe simplifiée et qui nous rapprocherait alors de l'évolution espagnole. Négative aussi, si cette réforme ne se fait pas et que cela engendre, comme cela a été soulevé, un grand nombre de fautes d'orthographe.

Fantine

Il est difficile de parler d’UN langage propre aux SMS ou aux blogs. Les SMS imposent des formulations courtes (ergonomie des claviers de téléphones mobiles, facturation au nombre de caractères…), d’où l’emploi important d’abréviations et d’une orthographe simplifiée. À partir de cette contrainte objective se sont développées des formes langagières nouvelles qui n’obéissent pas à un strict besoin d’économie. C’est ce langage qu’on appelle aujourd’hui le langage SMS, et qu’on retrouve dans une partie des blogs. Mais pas dans tous : essentiellement dans les blogs tenus par des jeunes, qui trouvent là un puissant marqueur identitaire. Bien entendu, ces nouvelles formes langagières sont à la fois positives et négatives. Positives, dans la mesure où elles servent de marqueur identitaire, comme les argots, le verlan, etc., et contribuent donc à donner à leurs utilisateurs un sentiment d’appartenance à un groupe, ce qui est pour eux très important (d’où le manque de succès des blogs d’enseignants évoqué plus haut). Vis-à-vis des autres formes spécifiques et identitaires de langage, ces formes ont l’avantage de toucher à l’écrit, plus encore qu’à l’oral. Il est difficile aujourd’hui d’affirmer que les jeunes « n’aiment pas écrire », quand on voit la quantité de blogs qu’ils produisent ! Grâce aux blogs, les jeunes s’approprient une certaine forme d’écrit, ils récupèrent du pouvoir sur le medium écrit, souvent perçu comme instrument de pouvoir, de supériorité : « les paroles passent, les écrits restent ». Cette pérennité de l’écrit est vérifiée dans les usages, puisque les jeunes archivent les billets, conservent les SMS reçus les plus marquants. Mais ces nouveaux langages dénotent également une évolution qu’on peut qualifier de négative, au moins sur deux points :

- L’écrit n’est plus normé. En effet, il ne s’agit pas, avec les langages SMS, de substituer une nouvelle norme à l’ancienne, mais plutôt de faire disparaître la norme. En témoignent par exemple les travaux effectués à l’université de Louvain en Belgique au travers de l’opération « Donnez vos SMS à la science » : des chercheurs en sciences du langage ont analysé un corpus de plus de 70 000 SMS et arrivent à la conclusion qu’il existe une multiplicité de variantes pour écrire un mot. Le mot « cinéma » par exemple est aussi bien écrit « 6né » que « ciné ». Voir l’article sur cette recherche, sur le site de la RTBF : http://www.rtbf.be/rtbf_2000/bin/view_something.cgi?id=0173146_article&header=none&file=print.html&jgj=1109680960 et un traducteur français – langage SMS issu de cette recherche (très drôle !) : http://glossa.fltr.ucl.ac.be/~demo/index.php?service=1%A0

- Cette absence de norme conduit à un deuxième effet négatif : la difficulté de communication. Nombre d’usagers des forums et des chats se plaignent de la difficulté à lire les messages écrits avec ce langage non normé. Les abréviations, concaténations et autres acronymes utilisés accroissent peut-être la vitesse d’écriture mais ralentissent celle de la lecture, qui s’apparente alors à un travail de traduction. L’écrit perd ici sa qualité de communication, due à une acceptation partagée de ses normes par les scripteurs et les lecteurs. Exemple de discussion entre blogueurs sur l’aspect hermétique du langage SMS : http://bix.enix.org/index.php/2004/10/03/525-kontre-le-fautes-2-fransais. La question est finalement de savoir si ceux qui utilisent le langage SMS comme signe de reconnaissance sont capables d’écrire… autrement ? Pour communiquer en dehors de leur groupe ? Alain Bentolila, linguiste spécialiste des questions d’illettrisme, a fait une magistrale analyse des conséquences liées à l’usage exclusif du « langage des cités » dans l’ouvrage suivant : BENTOLILA Alain : Le propre de l’homme : parler, lire, écrire. Ed. Plon, Paris, 2000. Voir en particulier le dernier chapitre intitulé « Pouvoir linguistique et destin social », dont nous citons ici un court extrait : « Il n’est pas question de tenir, sur ce langage dit des cités, des banlieues ou des jeunes, un discours de mépris stigmatisant son irrespect des règles lexicales et grammaticales ; mais il n’est pas non plus question, au nom de je ne sais quel droit à la différence (ou à l’indifférence), d’ignorer qu’il prive ceux dont il est le seul instrument de parole d’exercer leur droit légitime de laisser sur les autres une trace singulière. La vraie question, la seule qui doit nous mobiliser, est de savoir comment distribuer de manière plus équitable le pouvoir linguistique afin que certains ne soient pas exclus de la communauté de parole, de lecture et d’écriture . Ce n’est donc pas d’élégance de normes dont je me préoccupe, mais de la nécessité de permettre à chaque citoyen de transmettre à l’Autre sa pensée de la façon la plus juste et la plus précise, et d’ouvrir en retour son intelligence à la pensée de l’autre avec autant de bienveillance que d’exigence ».

Christine

Il est difficile de répondre à cette question sans prendre le risque d'omettre un aspect,

ou un autre, du phénomène.

En ce qui me concerne, je pratique essentiellement la communication via le mail, ou le

MSN. Ce type d'utilisation me fait pointer une difficulté : la vitesse. Les progrès de la

communication à distance n'ont pas seulement permis un éloignement encore plus grand,

mais ont aussi accéléré le débit des messages échangés. On constate que ceci conduit

les utilisateurs à employer une langue allégée plus maléable et qui s'adapte mieux aux

contraintes de temps. Ces contraintes de temps ne sont pas uniquement le fait du système internet, elles constituent aussi le quotidien d'un grand nombre de gens.

De fait, les formes de communications se trouvent modifiées. Ces modifications varient

selon le type d'échange en cours. Le mode de communication djeuns ne s'effectue pas

dans le cadre d'échanges plus standards. Cela laisse à penser que les individus sont en

mesure d'échanger en adaptant la forme du message au destinataire même sur

internet ! Les utilisateurs sont donc capables de passer d'une forme langagière à une

autre à la manière d'un multilinguisme. Cette catègorie de messangers ajoute à ses

compétences une nouvelle langue.

Mes interrogations pourraient se tourner vers de probables utilisateurs qui

n'emploieraient qu'une langue allégée. Existent-ils ?

Je ne le pense pas, cependant, il est interessant de constater que nombre d'individus en

contact fréquent, voire très fréquent, avec ce mode d'échange, a tendance à alléger la

langue parlée ou écrite hors du champ des communications informatisées.

De fait, il semblerait que cela ne facilite pas l'apprentissage de la langue standard. Le

problème est plus génant chez les individus les moins installés dans la langue ; les

jeunes en particulier dont les acquisitions s'effectuent plus ou moins bien selon le cas. On

voit donc apparaître quelques marques fautives très certainement liées à la pratique des

SMS, mini-messages ou autre. Toutefois, il me semble que cela ne représente pas la

majorité des erreurs. Au contraire, je pense que les jeunes élèves, quoique fascinés par

ces modes de communications, se méfient et souhaitent entendre et parler une langue

plus standard. Ils reconnaissent dans les SMS une forme d'échange rapide et très en

phase avec leur mode de vie. Mais, ils ne souhaitent pas trop s'éloigner de leur langue

maternelle. Langue, qui demeure malgré tout un repère fort, même (et peut être surtout)

si elle n'est qu'en partie maîtrisée.

Le phénomène d'évolution n'est en soit ni négatif, ni positif. C'est un dynamisme qui

s'élabore ( phrase clivée ? ) forcément vers autre chose sans que l'on puisse savoir quoi.

Cette évolution tehnologique majeure et le fait des sociètés humaines qui devront veiller

à ce que les procédés d'échanges illimités ne s'inverse pas en une aporie.

Anne Adras

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